Pas sublime

J’avais d’autres projets pour nous cette semaine. Après avoir sabré les féministes mythoclaquées, me réjouissait l’idée de pouvoir coucher ici deux trois saucisses pour faire sourire. Des mots sur l’été qui revient, l’envie plus que jamais d’avoir chaud, de mettre les pieds dans le sable, de boire du rosé et de voir les places de village se remplir de marchands de glaces et de gens sales qui font du diabolo en sarouel trop heureux d’avoir touché le RSA. Ça va.

Mais voilà que les cons s’en mêlent. Et que ça me pousse à vous parler d’un truc. 

C’est l’histoire d’un chroniqueur qui, le 7 avril 2021, a insulté une chanteuse en jugeant son physique sur un plateau radio. 

« Elle est effrayante ». 
C’est l’onde de choc.

C’est l’histoire de l’animateur à ses côtés qui fait silence. Si on regarde de plus près, on le verrait presque opiner du bonnet. Il est d’accord ? Il est sourd ? Il est muet ? C’est une merde ?  D la réponse D.

Dieu merci, c’est aussi l’histoire d’une vague de soutien à Hoshi. Chat, beauté. C’est une gerbe de masse, un élan ulcéré, un non comme une lame de fond face à cette soupe discriminante mollardée par Fabien Lecoeuvre. On a laissé passer sans bouger le costume beige, les chroniques dans TPMP et les cols relevés, ça va bien deux minutes.  

« On ne peut plus rien dire » agiteront comme argument les plus cons. Ceux qui dansent sur le fil du rasoir depuis qu’il est assez mal vu d’être malveillant et que les mains plongent dans le cambouis pour changer les vieux rouages d’une société anesthésiée perméable aux jugements et à la cruauté. Gros chantier. 

Avec cet épisode, le bilan étudié à la loupe est aussi évident qu’atterrant. La femme devra certainement toujours se battre pour être respectée dans ce qu’elle fait.

Si elle est belle, peu importe son talent, on dira d’elle qu’elle a sucé. 
Si elle est « moche », peu importe son talent, on dira d’elle qu’elle doit laisser sa place aux belles.
N’oublions pas cependant qu’il existe des moches qui n’ont aucun talent. Et qui sucent aussi.

Le plus harassant, c’est qu’en une intervention stérile lancée par un sosie de Kermit on piétine des années de combats pour valoriser la confiance en soi, le body positivisme et la bienveillance. 

Il a été dégagé depuis l’idiot, oust, viré. Mais ces propos tenus sans ciller sur une chaine médiatisée doivent être bien plus trash en loge. Inévitablement. C’est le pus sous la croute. Faut pas gratter. Quelle est alors la part de responsabilité des grosses maisons, des boss, qui ne font le ménage qu’en cas de bad buzz ?

« C’est grave de laisser faire » dit Hoshi. Évidemment que c’est grave. 
C’est même aussi grave de ne rien dire face à celui qui dit que d’être celui qui dit. 
C’est grave parce que ça donne l’impression que le propos est entendable, légitime. Ça le cautionne.
C’est grave parce que ça en dit long sur ce qui se tisse hors antenne. 
C’est grave parce qu’accepter que l’on dise ça, que l’on verse ces discours sur les stations, c’est ankyloser l’inclusivité, la douceur, la jeunesse, l’art, l’audace, l’estime de soi. 
C’est grave parce que c’est là, sous cette pression du parfait que vont grandir nos enfants bercés aux photos retouchées et à la course au like. C’est grave parce que pour dix commentaires qui disent t’es belle, un seul t’es moche aura la primeur de l’absorption. « Donc je suis moche ». 

Depuis qu’elle est née, je dis et je répète à ma fille Romy qu’elle est belle, tout le temps, inconditionnellement. Pas pour dégueuler ma fierté de mère mais parce que je veux qu’elle ait une vision de la beauté à 360, qu’elle soit sensible au charme, aux détails, aux âmes. Je veux tordre les codes esthétiques premier degré, pour qu’elle puisse trouver du beau dans chacun. Je sais que j’ai en partie honoré ma mission quand elle me jette un « maman t’es la plus belle » alors que je bloque sur mon bol de Weetabix à 7 du mat avec le regard apathique, la frange comme une visière de képi, la moustache en repousse et une culture de mycrokystes sur les bajoues. 

Je lui dis qu’être belle c’est avant tout être bienveillante, intelligente, drôle, heureuse. 
Je bataille pour ne pas qu’elle remplisse sa musette d’injonctions paralysantes. 
Je la laisse s’habiller comme elle le veut, se coiffer comme elle le veut (tranquille quand même). 
Je la laisse s’aimer comme elle l’entend.

Je lui dis qu’elle est sublime. 
Je lui dis qu’on est toutes sublimes.

Bon, certaines un peu moins que les autres, c’est tout. 

P.S : monsieur et madame Padanmébote ont une fille, comment s’appelle-t-elle ? 

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