Rendez les larmes

Il m’arrive quelque chose de très énigmatique ; je ne pleure plus.
Ya no lloro.

Je suis sèche, férocement sèche.
Des yeux.

J’ai réalisé ça ce matin.
8h15, je dépose Romy à l’école, vêtue d’un pyjama en éponge, de chaussettes et de Birkenstock (outfit de tous les diables qui m’offre un confort non négligeable mais qui creuse un peu plus le fossé entre mon enfant et moi-même) et Claude au bout de la laisse. Il pleut. J’ai envie de prendre mon café et de faire pipi. Mais ça attendra, dans 5 minutes je serai de retour chez moi. Non. Les clefs sont restées à l’intérieur. Je suis partie sans. Lol. La con de ta race. Sa mère la pute. J’ai laissé les fenêtres ouvertes pour aérer le temps du trajet. Il pleut. Mon amie qui a le double ne répond pas et vit à l’autre bout de Paris. Je n’ai plus de batterie et j’ai toujours envie de faire pipi. Un bon début de journée de merde. Surtout que souvent quand ça commence de cette façon tu peux être à peu près sûre que ça ne va pas s’arrêter là et que tu as 98% de chance que tout le restant de ta journée ne soit qu’enfer. Cette putain de loi des séries, qu’en faire ? Je m’étais faite à cette idée. Donnez-moi un dégât des eaux, bloquez mon ascenseur, faites-moi marcher dans une merde, du pied droit. Faites-vous plaisir, de toute façon je vous l’ai dit je ne pleure pas.

Je suis assise sur les marches de mon immeuble en attendant que ma pote au trousseau me donne signe de vie, un instant j’hésite même à appeler un serrurier et puis je me dis que filer la moitié de mon loyer à un mec qui va ouvrir ma porte avec une radio de son tibia ça va me donner soif de sang. Alors j’attends. Et je me dis qu’il ne me reste qu’à pleurer. C’est le moment.
Je sais il y a des choses plus graves comme être roux, gros et/ou handicapé mais là j’avais envie de pleurer et je n’ai pas à me justifier.

Mais rien. Je me suis concentrée pour laisser monter les sanglots comme une franche hystérique dans ma cage d’escalier avec mon chihuahua sur les genoux, chaussettes et cheveux mouillés. Mais pas l’ombre d’une larme. Impénétrable (de l’âme). Dead inside.

Vous me direz que c’est tant mieux, que la vie est quand même plus douce sans larmes, et vous aurez en partie raison, mais, ne plus réussir à pleurer quand on a envie de pleurer c’est un peu comme avoir la nausée mais sans vomir. C’est chiant, on veut que ça sorte, évacuer, se sentir mieux après. Et mettre les doigts au fond ça marche pour vomir mais pour pleurer, bonjour cécité.

Je n’ai pas le souvenir d’avoir un jour été une grosse pleureuse, ma bonhomie me définit (lol), mais, avant, il m’arrivait quand même assez régulièrement de verser une petite larme pour des raisons diverses et variées de type chagrin, hypersensibilité, vexation, fatigue, tyrannie affective, syndrome prémenstruel, caprice, mauvaise foi, émotivité artistique. Une façon plutôt saine de me libérer, de nettoyer les mauvaises énergies et de manipuler mon entourage, aussi.

Je suis peut-être devenue cette sociopathe dont je vous dresse le portrait dans mes textes. Celle qui dort blottie dans mon corps, celle qui attend le meilleur timing pour se montrer mais que ma PNL (programmatrice neuro-linguistique hein, pas les deux fratés de Corbeil-Essonnes qui se lissent les veuch et filment des hyènes en drone) tâche d’exterminer.

Je suis peut-être insensible.
Mais je ris, beaucoup.
Les insensibles ne rient pas si ?

Je suis très heureuse aussi, de plus en plus, c’est peut-être ça. Je n’ai peut-être plus aucune place pour ce qui ne va pas.

Mais si je veux pleurer de joie, du coup moi je fais quoi ?

Alors je vais taffer dur pour que les pleurs reviennent.

Je vais tirer toutes les ficelles
Je vais écouter Eric Clapton, Ben Harper, Niagara et Bon Iver
Je vais regarder le Titanic, Alabama Monroe et A Song For Marion
Je vais aller à des enterrements sur mon temps libre, lire du Laclavetine et du Besson
Je vais me me coincer les doigts et me pincer fort les tétons
Je vais me faire épiler le sif sans Emla
Je vais couper des oignons
Je vais regarder BFM et Touche Pas à Mon Poste
Je vais m’engueuler avec mes potes
Je vais regarder des Reels de couples qui dansent et font du mime sur Insta
Je vais faire un diner qu’entre gens instables
Je vais écouter Romy jouer de la flûte
Je vais essayer de rentrer dans mes vieux futes
Je vais regarder un sketch de De Benoist
Aaah on l’attendait celle-là
Je vais imaginer que vous vous désabonnez tous de Maag parce que je n’ai rien trouvé de mieux que cette chute de merde pour boucler ce billet.

Et ça, ça risque de me faire pleurer, en vrai.

P.S : Je déconne.
P.S bis : J’ai récupéré mes clefs.

2 commentaires

  1. J’ai adoré ce billet, tout au long de la lecture je me suis demandé(e? je sais pas) « quelle va être la suite » et j’ai bien ri.
    Je ne me désabonne pas (pour cette fois-ci…). Cette parenthèse c’est pour provoquer les larmes.

    Bonne fin de semaine (deuxieme versant de la montagne, pente descendante vers le confifi- terme utilisé pour provoquer les larmes x2).

    Aimé par 1 personne

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