Laura in ailleurs

J’étais prête à dégainer mon billet mercredi, je mens, mais Macron a pris la parole pour nous annoncer qu’on avait jusqu’à samedi 00h (cette histoire de samedi minuit a bien embrouillé tout le monde d’ailleurs hein, n’oubliez pas que la France ne compte pas que des génies et dites vendredi 23h59 la prochaine fois, chef). Bref. On ne voit pas très bien en quoi ces injonctions étatiques vont empêcher les gens de s’échanger les fluides mais c’est toujours mieux qu’un deuxième confinement à corriger les dictées des enfants d’une main tout en tapant de l’autre dans Google « se suicider sans souffrir ». 

Et surtout ça permet de détourner l’attention du vrai drame d’octobre : « Emily in Paris ».

Si vous êtes passé.e à côté du doss, ça peut vouloir dire deux choses. Que vous avez plus de soixante ans ou que vous êtes mort.e. Ou que vous êtes protégé.e des dieux, mais bon ça parait assez peu probable. 

Rassurez-vous, je ne vais pas faire tout mon papier là-dessus. Sur Emily. J’arriverai forcément après le génie d’un bon nombre de clasheurs qui n’ont pas manqué d’inventivité pour déglinguer chacun des dix épisodes de cette série. Si j’en parle c’est parce qu’elle aura eu ça de bon qu’elle m’a donné l’envie dévorante de parler de « mon Paris ». Pas celui de Darren Star, ricain de Potomac qui, avant de nous pondre ce bijou premier degré aux scènes plus gênantes que les chansons de Christophe Hondelatte, avait quand même déjà bien donné le ton avec Melrose Place. 

Je suis arrivée à Paris en 2009. 

Provinciale de souche qui débarque avec un plan du métro dans son sac Viahero, une paire d’Adidas montantes qu’aujourd’hui même si tu me promets une nuit avec Matthew McConaughey je ne les porte pas pour sortir Claude, du gloss sur la bouche et deux trois expressions pour trahir ses origines (je veux dire en plus de mes sourcils de Shana64). « C’est un cave », « j’ai gavé froid » ou « auriez-vous une poche s’il vous plait ? ».

Je l’ai rêvé ce Paris. Je me voyais assise en terrasse au Café de Flore avec mon bouquin, mon café à douze balles et mes copines intelligentes. Belles aussi parce que sinon ça marche moins bien. Je me voyais fumer des cigarettes en buvant du vin. Je me voyais m’arrêter chez les bouquinistes des quais, m’asseoir aux Tuileries. Faire du shopping rue du Faubourg Saint Honoré. Elle est mignonne.

J’ai enchainé deux ans de boulots de merde avec des supérieurs (qui n’ont de supérieur que leur égo et leur degré de misogynie). Et puis je suis tombée enceinte à 23 ans, j’ai repris mes études à 24 et quitté le père de mon enfant quand j’en avais 25. 

Aujourd’hui, à 32 ans, j’ai suffisamment de choses à raconter pour en faire un bouquin (tic tac tic tac). De mes doux projets de vie parisienne, je me suis contentée d’honorer l’ambition sur les clopes et le vin. Et j’ai des copines belles aussi (pas toutes intelligentes mais belles. Et sympas. Ça sera le moment de voir si elles sont drôles aussi, du coup). 

J’ai posé bagages (les émotionnels et les autres) dans un bel immeuble haussmannien. Je voulais de « l’ancien ». Snobisme de meuf qui n’aime pas le neuf. Alors j’y fais de belles photos que je dissémine allégrement sur Instagram mais la vérité c’est que j’entends mon voisin péter (quand il ne chante pas, mais si mal que je me demande si je ne préfère pas l’entendre péter), que mon parquet craque même quand c’est Claude qui le foule et que j’ai une canalisation qui lâche toutes les soixante-douze heures. Mon attirance sexuelle pour le plombier n’a pas suffi à rendre l’expérience récréative. Le tout, pour un loyer qui se rapproche sensiblement du prix que couterait une année all inclusive dans un 5 étoiles à Pattaya. 

Je n’ai eu le temps de faire que trois expos en 2020, et j’ai la carte presse pourtant (oui car je suis journaliste dans tout ça, je ne suis pas juste votre acolyte digitale bonne qu’à faire des blagues sur les bites et les enfants moches).

Je me suis mise à détester de nouvelles personnes, aussi. Le Covid ayant révélé des trous de balle d’un nouveau genre, suffisamment pour que je ne m’étale pas davantage ici et que je garde ma verve hostile pour un papier futur. L’écriture comme soupape pour ne pas finir un jour par vous pondre un « Laura in Fleury-Mérogis ».

J’aime Paris pour son énergie, ses lumières, sa poésie, ses âmes. J’aime aller au Cinéma, au musée, au théâtre, au restaurant, à l’Opéra (je mens bis, ça me fout en l’air). Enfin j’aime les ballets à l’Opéra, mais pas les chanteurs à l’opéra. Vraiment pas du tout. Y’a pas moyen djadja. Une fois dans ma vie, curieuse (et forcée surtout), je suis allée voir « La Veuve Joyeuse », une opérette allemande de 2h30 avec un entracte de dix minutes. Je pense que si l’enfer existe, il ressemble à ça. En plus supportable. L’enfer. J’aime Paris pour tout ce que je n’ai pas le temps de faire et qu’on est en train de nous retirer.

En fait j’aimais Paris. Et je crois que c’est fini. C’est l’ex relou de beaucoup en ce moment. 
Qui fait rêver longtemps mais un matin tu te réveilles avec l’envie d’ailleurs. Loin de lui. Parce que quand la magie n’est plus là il ne faut pas en faire le deuil, il faut partir et continuer de la chercher partout, dans les moindres recoins de ta vie et dans tous les signes qu’elle met sur ta route.

Constat amer mais plein d’espoir d’une (fausse) parisienne qui, malgré l’amour des débuts, a fait le tour de la question et se laisse encore quelques années avant de bouger d’ici. De se trouver une maison mignonne avec un bureau qui donne sur des hortensias, un gros chien (je garde Claude ne paniquez pas), l’océan pour aller le voir chaque matin et une cheminée avec un vrai feu dedans. Sans être tenue de le couvrir. 

Ah et si possible avec une bonne connexion wifi, quand même. Et pas trop d’araignées, ou que des petites alors. Merci.

P.S : je prends deux semaines de vacances, je vous reviens reposée et bavarde le 4 novembre. 
P.S bis : continuez de faire vivre la culture ! 

LOVE, beaucoup.

1 commentaire

  1. Paris sans la liberté de déambuler dans ses rues, Paris sans ses lumières pour tromper le gris de ses murs, Paris sans les terrasses pour s’y défouler de l’étroitesse de sa géographie et de ses appartements, Paris sans culture vivante ou à demi-morte, bein, ce n’est plus que ça…un truc tout étriqué. Et parole de parisienne native (à 1km près pour le lieu de naissance). Hâte de voir quels trous de balles-covid tu comptes évoquer, parce qu’y en a de toutes sortes, selon le point de vue où on se place 🙂
    Et vive la magie!

    Aimé par 1 personne

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