Ta mère le summer body

Les terrasses se remplissent à nouveau, les paniers Asos aussi, les orteils sortent au grand jour (certains sont secs et dépassent des sandales, faudra qu’on s’en parle), les lunettes de soleil s’ajoutent au masque pour notre plus grand anonymat. C’est l’été, pas tout à fait encore sur le calendrier (certains d’entre vous sont tatillons), mais c’est l’été. 

Et alors que les couvertures de magazines féminins ont laissé tomber l’angle tant attendu et bien affligeant des kilos de confinement à perdre d’urgence, le drapeau à agiter aujourd’hui pour appâter la femme en kiosque c’est : le summer body.

Le corps d’été. 
LE CORPS D’ÉTÉ. 

Il y a donc une règle assumée et couchée en légende de photos Instagram ou sur papier glacé selon laquelle il y a un corps autorisé à passer l’été, un corps légitime pour le sable et le soleil, et un autre qui rendrait service à tout le monde s’il ne sortait qu’en hiver. 

Navrée donc de devoir annoncer aux personnes qui s’habillent au rayon 42 (certains diraient 38) que leur vie de débauche prend fin en mai et qu’il est ensuite grand temps de regagner leur antre pour laisser aux summer bodies disposer de l’espace nécessaire pour exhiber leurs culs dopés aux squats et aux graines de chia. 

Pour la première année de ma vie (et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt), j’ai envie de dire : nique bien ta mère le summer body. 

Il n’y a pas de summer body. 
On a tous un summer body. 
Certains plus affuté que d’autres, certes, mais le fait de déboutonner le jean pendant un repas ne nous donne pas moins le droit d’aller nous affaler sur la plage en tanga que la copine qui fait un 34. 

Et pourtant, je vous parle de ça avec l’hypocrisie la plus scandaleuse de l’histoire de l’hypocrisie. Car j’ai fait partie de cette génération lobotomisée qui se met en condition dès le 1er juin, quand le cerveau saisit que les journées rallongent et que les gilets tombent, se disant « han, help, maillot dans un mois, corps pas prêt ». Parce qu’on a beau nous montrer des modèles « plus size » sur les podiums ou balancer deux trois campagnes qui bousculent les codes, la réalité est celle-ci : tout ça n’est qu’un beau mytho. Une mascarade pour déguiser une société tyrannique qui biberonne nos filles aux corps décharnés des Bella Hadid et autres ricaines de vingt ans qui ont au compteur plus d’opérations esthétiques que d’anniversaires.

Me voilà alors partie pendant des années dans une quête de tous les diables pour dégoter la ruse qui promettait de faire en un mois ce que le corps est capable d’encaisser en 12. Je devenais prête à tout, inarrêtable, lancée comme une torpille pour perdre deux tailles et me foutre des carences pour le restant de l’année. Perdre mes cheveux et avoir les ongles qui se décollent arrivaient donc après la cellulite et les bourrelets sur l’échelle de mes préoccupations sanitaires.

C’est en prenant un peu de recul sur sa vie qu’on réalise combien on peut être pathétique parfois. (Souvent même, si on prend aussi toutes les fois où j’ai voulu faire la rondade en soirée après 5 Tequila Paf, mais restons focus). 

Je cliquais sur des articles aux titres criminels « Comment perdre 10 kilos en 1 mois » (la réponse est assez simple, il suffit d’arrêter de manger autre chose que de l’eau et des citrons). J’économisais pour me faire un lavement du colon ou comment se faire sodomiser par un tuyau en plastique TRANSPARENT avec un praticien en blouse blanche qui vous déleste de seulement 500 grammes. Je rêvais d’aller dépenser 4000 balles pour faire un jeun d’une semaine dans une maison de campagne avec des gens que je ne connais pas à parler aux arbres, faire du yoga et boire du bouillon. J’ai fait geler la graisse de mes fesses pour 600 euros (c’est 300 euros par zone, une fesse étant une zone, l’arnaque la mieux marketée de l’histoire). J’ai acheté des électrodes pour stimuler mes abdos la nuit. J’ai même fait une cure de jus pendant… 21 jours. Et j’ai tenu parce que mes sept kilos en moins avant l’été valaient bien l’enfer vécu pendant ces trois semaines. Être capable de mordre ma fille jusqu’au sang juste pour lécher l’opercule de sa Danette ne m’a, à l’époque, pas alertée outre mesure.

Tout ça pour ?

Avoir l’impression d’être un peu bonne et mériter le doux surnom de MILF donné par des hommes qui décident si on est une mère baisable ou non en fonction de la taille de notre cul. Titre qui aujourd’hui me donne davantage envie de dégueuler que le souvenir de mes 100 jus avalés pendant la cure.

Et puis, l’année dernière, suite à quelques soucis de santé (j’en parlerai ici un jour), j’ai pris du poids. Suffisamment en tout cas pour que je refuse de me mettre en maillot de bain ailleurs que dans ma cellule familiale, dans un jardin avec des haies qui grattent le ciel pour être sûre que personne ne me voit dans cet état. J’ai été malheureuse, très, et j’ai subi mon été parce que je pensais avoir échoué aux qualifs du summer body. Cet épisode a sauvé mon âme. 

Aujourd’hui, je me sens détendue, je me fous la paix. Quand je pense à l’été je pense d’abord au rosé, aux glaces et peut-être même aux beignets sur la plage tiens. Je me sens bien dans mes pompes et je suis bien déterminée à le montrer. 

Et à perdre deux petits kilos quand même parce que j’ai très envie de rentrer dans mon maillot de bain Eres. Roh, ça va hein. 

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