
Vous n’avez peut-être pas de sœur, de chihuahua ou d’animosité particulière envers les gens qui se curent le nez dans leur voiture. Vous vivez peut-être là où le métro n’existe pas et vous n’êtes probablement pas free-lance. Mais aujourd’hui, je m’apprête à parler de quelque chose qui nous concerne tous : l’amitié.
C’est un sujet vague, complexe, sur lequel il est très difficile de poser des mots. Vous imaginez bien qu’il m’est plus aisé de balancer sur les péteurs du métro et les connards en trottinettes que de dévoiler des sentiments plus intimes. Et l’amitié englobe tout, ou presque, de ce que j’ai de plus intime. Parce que l’amour, tu en parles à tes copines. L’amitié finalement, tu n’en parles pas, tu te contentes de la vivre.
Je ne pensais pas avoir envie un jour de m’étaler sur le sujet. Par peur de basculer dans un truc vraiment chiant. Mais ce week-end, je suis partie avec quatre de mes plus proches amies et, quand il a fallu rentrer à Paris, j’ai pour la première fois été triste de les quitter. Genre vraiment triste. Ce cafard dévastateur que tu as en retour de classe verte. Triste parce qu’infiniment heureuse d’avoir partagé ces moments avec elles. Triste parce que je réalise que rares sont les fois où on est toutes réunies, loin de notre routine, de nos engagements pros, de nos mecs, de nos gosses, prises dans les filets du temps qui nous laisse rarement plus de deux heures pour se retrouver autour d’un verre de rouge. Là c’était la colo. J’ai vécu ces trois jours avec l’âme d’une enfant de dix ans et je suis rentrée avec le blues d’une vieille dans le couloir de la mort. « Le ferons-nous à nouveau ? ». C’est ça la vraie question que tu te poses quand tu deviens adulte.
Quand tu es enfant, aucun de ces questionnements ne t’effleure. Tu accueilles les choses comme elles se présentent, tu profites des moments qui te sont offerts sans réellement en mesurer la valeur. Les priorités sont inversées, tu bailles à l’enterrement de ton grand-père mais tu pleures pendant une semaine si le père noël a oublié un jouet. C’est d’ailleurs ça qui fait toute la richesse de l’enfance. Quand l’amitié se résume à se retrouver à la récré pour jouer à l’élastique, partager des BN, s’échanger les pogs et taper dans ses mains en chantant « trois petits chats » (un jour, il faudra quand même faire un point sur ce jeu de merde).
Et puis tu grandis, tu avances à tâtons et tu finis enfin par comprendre ce qu’est l’Amitié. Celle qui se construit avec le temps, celle qui a su tenir malgré les vies qui changent, les déménagements, les peu de ménagements, les coups durs et les silences. Quand tu sais que rien ne peut venir dynamiter ce socle, trop solide, n’essayez même pas. Ces amitiés où rien n’est grave mais où tout est important. Quand tu peux passer un coup de fil pour pleurer pendant une heure juste parce que tu as un bouton et une frange trop courte sans t’entendre dire que tu es folle. Alors que tu l’es. Quand ça parait évident de s’envoyer dix messages avant d’aller à un date (papa, maman, ça veut dire rencard). Quand on débriefe très sérieusement ce même date quelle que soit l’heure (il m’a écrit bonne nuit, il a mis trois petits points à la fin du message, un smiley bisou mais celui sans le cœur rouge, il a répondu tout de suite, pas tout de suite, je lui écris un truc ou je fais genre je m’en fous ?, c’est un mec bien, c’est un queutard, il pue de la gueule, il a les doigts trop fins, les ongles longs, il a pris une andouillette, il sent bon des cheveux, il ronfle, j’peux pas t’appeler je suis dans son lit). Quand ces ami(e)s sont là pour parler d’épilation du maillot au laser et de ventes privées Fendi mais aussi pour rester à tes côtés quand ça va mal. Vraiment mal. Parce que c’est à ça que tu reconnais les vraies relations, quand tes pires souvenirs deviennent plus doux grâce aux gens qui t’entourent. Quand, alors que tu es la pire personne à côtoyer, triste, moche et méchante, tes ami(e)s trouvent toujours les mots pour te faire sentir exceptionnelle. Même si tu étais à leurs yeux et à ce moment précis vraiment moche et méchante.
L’une d’entre elles, calée ésotérisme, psychologie, développement personnel et tutti cuanti m’a récemment parlé des bienfaits de la gratitude. Pas évident, évident pour une aigrie-née comme moi. Mais il parait que si tu arrives à te détacher deux minutes des désagréments quotidiens de type gens sales, métro bloqué, acné hormonale, épi, ampoule ou parapluie cassé et que tu es reconnaissante de toutes les belles choses qui t’entourent, ta vie sera plus savoureuse. Du coup, cet article c’est un peu ma façon à moi de vous montrer ma gratitude mes amies. Désolée pour les autres, spectateurs de mon déballage sentimental, mais c’est un blog aussi ne l’oublions pas.
Aussi imparfaites que vous puissiez être, vous rendez chaque jour ma vie un peu plus magique. Merci O de me faire pleurer de rire même dans les pires moments et de m’offrir des Schoko-bons sans tenir compte de mon âge. Merci N de ne jamais relever le négatif et de m’avoir appris la bienveillance (par contre, si tu peux arrêter de faire tomber des trucs sur mon tapis beige, c’est cool). Merci X pour ta loyauté, tes phrases sans consonnes quand t’es bourrée et ta recette du poulet Thaï. Merci P pour ta générosité, ta bonne humeur et tes visites à l’improviste (nan je déconne, c’est relou ça en vrai). Merci H pour ta délicatesse, ton écoute et ton envie de me convertir à la méditation (je te jure j’ai vraiment essayé). Merci T d’être toi et de ne pas m’insulter quand je veux te faire chanter du Céline Dion dès que j’ai un verre de trop. Merci C pour ton amitié sans failles et ta gaieté à toute épreuve (je n’oublie pas pour autant les fois où tu es à côté de la plaque, ça fatigue tout le monde). Merci No pour ta douceur et ta faculté à me dire oui même quand tu penses non. Merci L d’être le rayon de soleil qui a illuminé les années sombres de ma vie. Merci D d’être loin mais jamais trop. Merci J mais comme tu es une bobo/artiste/humaniste tu es coupée du monde des réseaux donc en vrai tu ne liras probablement jamais ce papier (mais je t’aime).
M et L n’imaginez pas que je vais parler de vous. On ne part pas vivre à Los Angeles sans en payer les frais à un moment.
Merci A d’être ma sœur mais aussi ma meilleure amie (sauf que comme t’es ma sœur j’ai le droit de mal te parler parfois).
Je réalise enfin en écrivant ces mots que de vous avoir dans ma vie c’est suffisant pour me pousser, chaque jour, à faire preuve d’une infinie gratitude. Ou peut-être un jour sur deux. On s’en reparle demain après la grève.