
Il y a des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur. Et des batailles que je veux livrer aux yeux de tous. Les gens sales en font partie. Il y a les gens qui sifflent aussi. Et ceux qui mettent de la musique sur la plage. Mais dans la vie, aussi cornélien soit le choix, il faut le faire. Alors les gens sales, c’est votre moment.
Je précise, avant d’entamer ma diffamation contre cette catégorie d’êtres humains, que je cible les gens sales qui ont tout le loisir d’être propres. Pas les gens sales malgré eux (les pauvres, les mécanos, les bébés ou les personnes âgées par exemple). Je suis une maniaque, pas un monstre.
Et dans ma vie, j’en ai croisé. Car les gens sales sont partout. Et parfois même bien plus proches de nous qu’on ne pourrait l’imaginer. Parce que par saleté j’entends tous les petits réflexes du quotidien que l’on peut considérer comme de l’hygiène élémentaire et que pourtant beaucoup jugent superficielle. Et c’est LÀ que rien ne va plus. Car en prime d’être aigrie, hystérique et peureuse, je suis très à cheval sur la propreté. Genre vraiment. Je suis presque aussi phobique de la saleté que des araignées. Vos histoires virales de matières fécales sur les écrans chez Mc Do ou de traces d’urine dans les cacahuètes ça peut me faire claquer, je ne déconne pas. Et même si je suis ravie de faire partie du monde des propres et pas des sales, je dois avouer que régulièrement je vis cet extrémisme comme un handicap.
Il y a plein d’activité dont j’ai dû faire le deuil. Comme aller à la piscine par exemple. L’idée même de plonger dans un bassin géant avec une trentaine d’individus dont on ignore tout de l’hygiène corporelle ça m’est très difficile. Je visualise toutes ces peaux mortes, ces muqueuses, ces sécrétions de type morve et transpiration qui flottent gaiement dans l’eau qui m’entoure (et que je peux boire aussi dans une maladresse aquatique). Et le pédiluve ? Qui en parle du pédiluve ? Cette soupe bactérienne tiède dans laquelle il faut, comble du paradoxe, passer obligatoirement pour se laver les pieds. « Mais c’est chloré Laura ! Tu ne risques rien sérieux, que tu peux être chochotte ». Ce n’est que quand le médecin te dit « pour la verrue et la mycose des ongles revenez me voir dans une semaine » que tu résilies ton abonnement à la piscine et que tu t’inscris au Yoga. Dans mon élan j’ai mis fin à mon abonnement Autolib aussi. Je passais plus de temps à nettoyer l’habitacle à la lingette qu’à conduire. Du coup, Uber c’était pas si cher. Forte de mes névroses (ou faible je sais plus), j’observe autour de moi le rapport des autres au sale. Et c’est chaud, en vrai.
Je pense à ces personnes pour qui le lavage des mains est occasionnel. Requis uniquement en cas de gastro, après une bonne baise ou avoir mangé des crevettes, pas plus. Je voudrais comprendre. Que le message éducatif se soit mal fait, ok (quand certains enfants eux ont eu un père qui vérifiait le dessous de chaque ongle avant de passer à table – papa ne t’en fais pas personne ne saura que je parle de toi). Que l’enfance soit parsemée de challenges pour notre système immunitaire et qu’on s’en amuse, ok. Mais comment en étant adulte, socialement intégré, dans un pays où il y a l’eau courante, tu peux oublier de te laver les mains dans des moments où il est à priori impossible de faire autrement ?
Ces gens qui arrivent chez toi pour l’apéro (tu sais d’eux qu’ils sont venus en métro après une longue journée de boulot) et qui s’installent directement dans le canapé en tapant dans les olives et les gressinis sans ne JAMAIS être allés se laver les mains. Ces gens que tu vois sortir des toilettes, se recoiffer vite fait devant le miroir et retourner vaquer à leurs occupations SANS NE JAMAIS SE LAVER LES MAINS. Cet ami chez qui tu vas diner, qui caresse son chien-qui-pue toute la soirée et qui jette au bout de deux heures, l’âme hospitalière, un « JE RECOUPE UN PEU DE SAUCISSON ? ». Bah non l’ami, tu ne recoupes rien du tout, tu vas me faire le plaisir d’aller te laver les mains avant de toucher à ce saucisson ou à je ne sais quoi d’autre de comestible.
Sur le podium il y a ceux qui se curent le nez publiquement aussi. EUX… Si je devais dresser une liste des gens que je veux voir mourir ils ne seraient pas loin derrière La Reine des Neige et Bolsonaro.
Et je ne parle pas de ceux qui font des petites boules avec en les roulant entre le pouce et l’index. Dieu vous voit.
Et puis ensuite tu as les sales que tu mets un petit moment à détecter. Les sales sournois, les sournois sales. Parce que bien habillés, bien éduqués, bien tout. Eux sont finalement peut-être les pires parce qu’on ne les voit pas venir. Ils ont tous les aspects de la personne propre, mais de loin. On a tous un jour vécu ce moment douloureux où on comprend qu’un ami, une amie, une collègue est en fait DÉGUEULASSE.
Quand, au-delà de la mauvaise haleine permanente (que tu mets sur le compte d’un désordre gastrique au début) tu entrevois un léger dépôt blanchâtre sur les dents. Quand une personne vient dormir chez toi, une nuit, deux nuits, et que la serviette que tu avais déposée sur son lit n’a pas bougé. Quand une amie se lève avec du mascara collé sur les cils et qu’elle te dit amusée « han j’avais trop la flemme de me démaquiller ». Alors ça vous êtes nombreuses à le faire et je vous le dis sans animosité : c’est ABJECTE. Soit tu as 4 grammes d’alcool dans le sang (et encore) soit tu es SALE. C’est comme dire « han j’avais trop la flemme de m’essuyer » après être allé aux toilettes, et pourtant personne ne le fait. Enfin je crois.
Quand tu passes aux WC derrière une collègue de bureau (alors que tu travailles dans un magazine féminin) et que tu remarques que systématiquement elle laisse des surprises. La première fois tu te dis que c’était déjà sale avant elle. La deuxième fois tu te dis qu’elle n’a pas vu la pauvre. La troisième fois tu te dis qu’elle n’a pas vu, encore. La quatrième fois tu rêves d’arriver dans l’Open Space en hurlant « et sinon Micheline ça se passe comment au niveau du transit ? Non j’sais pas je te demande puisqu’apparemment tu veux partager ça avec le reste du monde ». Oui parce que l’enfer, au-delà de l’envie de gerber, c’est que je nettoie toujours à la place des autres de peur que l’on pense que c’est moi.
Quand tu remarques aussi que les cheveux de ton ami(e) sont souvent gras. Toujours en fait (et je ne parle pas d’un éventuel dérèglement hormonal). Je suis la première à m’envoyer un petit coup de shampoing sec quand le timing matinal est mauvais mais je reste consciente du fait qu’il est important de se laver les cheveux en moyenne trois fois par semaine. Mais quand le cheveu sent le sébum et qu’on voit ton cuir chevelu c’est que tu as trop attendu, je t’assure. Alors parfois, l’air de rien, je balance un « tu n’as pas eu le temps de te sécher les cheveux ? » et généralement le message passe sans encombre. « Ah non ils sont crades meuf ! Faut que je les lave absolument ». Oui, vrai, il le faut.
Du coup, après avoir réalisé que ces gens vivaient mieux que moi, j’essaie de me détendre un peu. J’accepte de manger la chocolatine que la boulangère a attrapé sans gants après avoir encaissé le vieux d’avant. J’accepte d’aller faire pipi dans les toilettes publiques (si tu t’assois t’es sale). J’accepte de boire à la bouteille. J’accepte d’aller chercher un truc oublié dans ma chambre sans retirer mes chaussures. J’accepte de ne pas me doucher à 9h si je sais que je vais au sport à 10. Des petits efforts thérapeutiques qui sont, croyez-moi, des pas de géants pour la folle que je suis.
P.S : je ne tolèrerai aucun commentaire sur la présence de Claude dans mon lit.