Etre mère

J’ai passé le weekend avec une amie, P. Une fille formidable, belle, intelligente, drôle, joyeuse, bienveillante… Mais depuis quelques années, P. a une toquade : elle fait des bébés. Avec la plus grande détermination, elle a fondé en un rien de temps ce qu’on appelle dans le jargon de la SNCF (entre autres) une famille nombreuse. 28 ans et déjà trois enfants. Et même si je dois avouer que la voir aussi épanouie me rend infiniment heureuse, une part de moi se questionne sur mes propres qualités maternelles. Parce qu’en vrai, même si j’adore ses enfants, rien ne m’angoisse plus au monde que de m’imaginer, là, maintenant, avec sa vie. 

Devenue moi-même mère à 23 ans, je suis pourtant bien placée pour savoir ce que ça représente d’enfanter jeune. Je parle d’un monde qui m’est familier mais qui pour autant me fout les jetons. Je me sens comme une personne  qui s’est cassé la gueule et à qui on dit, pour dynamiter son anxiété, « il faut remonter à cheval ! ». Je ne remonte nulle part, laissez-moi tranquille, cordialement. 

Déjà, premier point : la grossesse.

J’entends parfois des femmes dire « ah non mais moi je pourrais passer ma vie enceinte, j’adoooore être enceinte ». 

Je n’émets aucun doute sur la véracité de leur propos et je les envie sans modération mais pour moi ça revient à peu près au même que d’affirmer qu’on pourrait passer sa vie avec une mycose vaginale, le tétanos, le paludisme ou n’importe quelle autre maladie infectieuse. A mes yeux la grossesse n’est ni plus ni moins qu’une gueule de bois qui dure neuf mois. Sauf que tu bois de la bière sans alcool (une appellation sympa pour parler d’une mixture d’urine et de Quezac). 

C’est aussi : mal dormir, gerber à la moindre odeur étrange, avoir des envies de meurtres, du poil au menton, des leggings dans son placard, des ballerines Isotoner dans son sac, des fesses d’éléphant de mer, des seins de vache laitière (que tu perds juste après ne rêvons pas. Les seins hein pas les fesses), passer sa vie à montrer son vagin, donner des litres de sang, se coucher à 17h, se relever à 22 pour manger les restes… Et parce que j’ai dû faire des trucs terribles dans une autre vie, j’ai gagné une semaine de rab sur la grossesse. Histoire de faire un « beau bébé » comme on dit. Entendez un bébé suffisamment gros pour que le périnée plie bagages et que j’ai l’impression de participer à « La France a un Incroyable Talent ». Laura, 23 ans, sort un casque de bobsleigh de sa… Hein, quoi ? C’était sa tête ? Ah pardon.

« Tu verras on oublie vite ». Non, pas du tout. Mensonge. Ça fait 7 ans et je n’oublie pas. 

En écrivant ces lignes je fais le truc horrible qu’ont pris l’habitude de faire beaucoup de femmes quand tu es enceinte : te dire toutes les choses monstrueuses qui peuvent arriver à l’accouchement ou pendant la grossesse. 

Cette personne que tu croises en soirée et qui te dit « tu l’as senti bouger ? Nooooon ??? Mais depuis quand ? Fais gaffe hein parce que je connais quelqu’un qui ne s’est pas inquiété et en fait son bébé était mort depuis deux jours ». Cette espèce est bien plus répandue qu’on ne l’imagine et quand on lui répond que nous « on connaît quelqu’un qui est mort en racontant cette histoire à une femme enceinte » ça crée des tensions. 

« Je ne t’en veux pas, c’est à cause des hormones que tu es agressive. » Non c’est juste parce que tu es conne en fait. 

Y’a celle aussi qui, sous couvert d’être prévenante, te balances un « tu devrais d’ores et déjà te masser le périnée et le vagin avec de l’huile car ça fait de sacrés dégâts ce petit monde quand ça sort. Craaaack ! Ahaha ». AHAHAHAHAHAHAHAHA. Et si tu te masses les dents à l’huile de jojoba tu crois que ça va limiter les dégâts que vont faire mes phalanges dans ta bouche ?  Je demande juste, pour savoir. 

De toute façon, il faut partir du principe simple que quand tu es enceinte les gens te considèrent comme « propriété publique ». Tu leur appartiens. Sinon à quel autre moment de ta vie on te demande si on peut te toucher le ventre (quand on te demande) ? Oui car il y a ces personnes qui ne te demandent pas (les gens âgés ou les hystériques souvent), elles posent leurs mains grasses sur ton chemisier en disant « ça bouge ? ». C’est toi qui va bouger très très vite surtout, genre tout de suite. 

Mais l’accouchement chasse des problèmes pour en faire apparaitre d’autres. La régalade ne s’arrête pas là, tututu. 

Être mère (ou père d’ailleurs) c’est :

–      Se familiariser avec toute matière rejetée par le corps humain de type caca, morve, crottes de nez, pipi, bile. Et surtout accepter sans rien dire le fait que ça puisse à tout moment se retrouver sur tes fringues, ton visage, tes cheveux ou tes draps. Le parent n’a pas le droit de dire un truc comme « Putain mais tu es l’enfant du diaaaaable !!!!! C’est quoi ce truc dégueulasse qui sort de ton corps ?? Tu te démerdes, moi j’y touche pas ! ». Ben non. Le parent dira toujours « c’est mon enfant, rien ne me dégoute ». Mytho. 

–      Oublier la définition du mot : dormir. Dor quoi ? Dormir ? Connais pas. L’enfant a été programmé pour accélérer le vieillissement de la population, faire mourir les gens plus jeunes et éviter qu’on vive tous jusqu’à 120 ans au crochet de l’état. C’est un complot, c’est politique, je vois clair dans leur jeu. Sinon comment expliquer que l’enfant ne dort jamais ? Ah si, pardon, quand tu conduis. Et ce à n’importe quel âge, je ne parle même pas de la période nouveau-né qui est un peu le passage obligé. Même à 8 ans, tu peux le coucher à 3 heures du matin, l’enfant se lèvera TOUJOURS à 7. Et, comme si ça ne suffisait pas, une force maléfique a demandé à l’enfant d’arrêter de faire la sieste après ses 4 ans. 

–      Ne plus jamais passer de « vraies » vacances. Parce que disons-nous vraiment les choses : les vacances avec enfants c’est presque pire que de bosser. Non, c’est pire en fait. Tu dois trouver un milliard d’activités à faire pour que l’enfant se fatigue, oublier la liberté de manger à n’importe quelle heure, de se lever à n’importe quelle heure, de baiser à n’importe quelle heure, ne plus pouvoir sortir le soir pour te la coller, partir avec 7 valises et la moitié de la caisse à jouet, louer un Picasso « parce que c’est plus pratique et plus safe », claquer un salaire dans les jeux aquatiques pour rentrer avec des verrues et des poux.  Ah et la plage aussi. La plage avec un enfant c’est comme aller voir un film mais sans les images, qu’avec le son. Ça ne sert à rien et c’est très chiant. Dites-moi si je me trompe mais la plage (quand t’es pas surfeur) c’est surtout fait pour s’allonger sur sa serviette, bouquiner, dormir, se baigner, rêver, bronzer. La plage avec l’enfant c’est passer trois heures sur le qui-vive à surveiller qu’il n’aille pas seul à l’eau quand tu pionces, le tenir par la main et le faire sauter au-dessus des micro-vagues comme un chimpanzé pour ne pas qu’il se fasse emporter par le courant, penser à le tartiner de crème 50 toutes les 10 minutes, faire des châteaux de sable avec lui, dire non dix fois et finalement accepter qu’il mange un beignet suintant au Nutella (qui est resté trois jours dans la corbeille du saisonnier sous 45 degrés), manger du sable dès qu’il secoue sa serviette dans le sens contraire du vent ou se met à courir à deux centimètres de ton visage, avoir mis 30 minutes à installer le campement (oui c’est fini la petite futa de bitch, l’huile satinée et le chapeau de paille. Avec un enfant c’est la glacière, le parasol, les pelles, les seaux et les ballons) pour finalement entendre une fois installés « maman, j’ai envie de faire caca ». 

– Apprendre à jouer. « Maman tu joues avec moi aux Barbies ? ». Punition. Je crois que je préfère encore l’écouter chanter en boucle le dernier album de Matt Pokora. Mais quand même, parce que je suis sa maman, que je l’aime et que c’est mon rôle, j’accepte parfois. Et là tu réalises vraiment le fossé qu’il y a entre nous et ces petits êtres. « Oh mais je viens vous maquiller madame et je vais vous donner un cookie avec du thé et une tarte aux courgettes. Vous venez avec moi faire les courses ? Je vais aller mettre ma robe pour me marier avec Ken et nous allons avoir un bébé. Ensuite nous irons à l’aéroport en Ferrari pour aller chez mes grands-parents faire du camping-car ». Haaaaaan je m’emmeeeerde. Du coup, pour trouver une alternative qui satisfasse l’enfant, je l’emmène jouer au parc. Ça, pareil, que celui qui aime aller au parc lève la main. C’est comme la plage, sans la mer et en plus bruyant. Tu ne peux pas lire, rêver ou stalker Tom Hardy sur Instagram. Non, tu dois ne pas quitter des yeux ton enfant qui crie et grimpe sur des installations en bois. Donc tu restes là, sagement, sur ton banc pendant deux heures à ne rien faire. Rien du tout. Et puis quand vraiment tu as un karma de merde, il Y a toujours une mère ou un père bavard qui vient s’assoir pour discuter « histoire de passer le temps ». J’ai souvent fait semblant de parler une autre langue à ce moment-là « mmm sorry i dont speak french ». Et je me suis souvent grillée toute seule quand d’un coup je hurle « Romy j’ai dit non !!! On arrête les prises de judo sur la petite fille, elle n’a que deux ans ».

–       Supporter les parents d’élèves. Pire, devenir amis. J’ai compris que c’était un piège assez rapidement, suffisamment en tout cas pour m’éviter la galère de faire partie d’un groupe de parents, de partager des discussions Whatsapp, de se retrouver au café du coin après avoir déposé les enfants à l’école, se réunir pour boire un coup après les anniversaires. Tu as toujours l’impression d’être une horrible mère, asociale, mais c’est plus fort que toi. Comme quand vient ton tour à la kermesse de tenir le buffet de gâteaux ou le stand de maquillage. « Tu pars déjà Laura ? Tu ne restes pas un petit peu ? ». Euh, non désolée, j’ai de la famille à la maison venue de loin, très loin. « Ah bon maman ?? Mais qui ?? ». 

En fait, la liste serait encore bien longue si on devait faire état de toutes ces petites contraintes (ok, grosses) qui nous incombent lorsqu’on devient parent. Mais, même si je me suis amusée à écrire ce billet et que j’y ai trouvé un réel plaisir thérapeutique, je suis obligée d’avouer que, quand même, être mère c’est avant tout la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. Je ne suis pas fière de mille trucs (à part d’avoir touché le bras de Céline Dion un jour), mais quand je vois ma fille, je me dis que je suis capable de tout. 

4 commentaires

  1. C’est comme si vous lisiez dans mes pensées…mes 2 fils sont aussi ma plus grande fierté mais qu’est-ce que ça défoule de lire ce que je pense tout bas…j’ai ri. Merci. Une seule chose a dire: encore🤘😄

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